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Les biais que nous analysons

Voici une liste (non exhaustive) mais assez complète des biais et des techniques de manipulation de l’information que l’on peut rencontrer dans les médias, qu’ils soient intentionnels ou non.

Liste des catégories étudiées :

  1. Biais cognitifs (qui affectent autant les journalistes que le public)
  2. Biais éditoriaux et techniques journalistiques
  3. Manipulation délibérée et techniques de propagande
  4. Biais structurels et systémiques
  5. Biais liés au format et au médium

1. Biais Cognitifs (Distorsions involontaires du jugement)

Ces biais sont des schémas de pensée « câblés » dans le cerveau humain qui peuvent fausser la perception de la réalité.

  • Biais de confirmation : Tendance à rechercher, interpréter et retenir les informations qui confirment ses propres croyances ou hypothèses, et à ignorer celles qui les contredisent.
  • Biais d’ancrage : Tendance à se fier excessivement à la première information reçue (l’ »ancre ») pour prendre des décisions. Exemple : Le premier bilan chiffré d’une catastrophe, même s’il est faux, reste longtemps dans les esprits.
  • Heuristique de disponibilité : Tendance à surestimer l’importance des informations qui nous viennent facilement à l’esprit (récentes, choquantes, émotionnelles). Exemple : On a plus peur de l’avion que de la voiture, car les crashs sont très médiatisés.
  • Biais de négativité : Tendance à donner plus de poids aux informations négatives qu’aux positives. Le « bad news is good news » pour l’audience.
  • Biais de cadrage (Framing) : La manière dont une information est présentée influence la décision. Exemple : « Un traitement efficace à 90 % » est perçu plus positivement qu’ »un traitement avec 10 % d’échec ».
  • Biais de la tache aveugle (Blind Spot Bias) : Tendance à voir les biais chez les autres, mais à ne pas les voir chez soi. C’est le « biais sur les biais ».
  • Biais de statu quo : Tendance à préférer que les choses restent telles qu’elles sont, percevant tout changement comme un risque.
  • Biais de scientisme ou d’autorité scientifique abusive : Tendance à accepter une affirmation comme vraie simplement parce qu’elle est présentée comme « scientifique » ou émane d’une figure d’autorité (expert, médecin), sans examiner la méthodologie ou les preuves.

2. Biais Éditoriaux et Techniques Journalistiques

Ces biais relèvent des choix faits (consciemment ou non) lors de la production de l’information.

  • Biais d’omission : Choisir de ne pas parler d’un sujet, d’un angle ou d’un détail. Ce qui n’est pas dit est parfois plus important que ce qui est dit.
  • Biais de sélection (Gatekeeping) : Le choix des sujets qui seront traités ou non. C’est le premier filtre de l’information.
  • Biais de placement : L’importance accordée à une nouvelle en fonction de sa position (une du journal, ouverture du JT, ou article en page 15).
  • Biais de source :
    • Sélection des sources : Ne donner la parole qu’à un certain type d’experts, de témoins ou de responsables politiques.
    • Dépendance aux sources officielles : S’appuyer quasi exclusivement sur les communiqués de presse, les agences gouvernementales, la police, ce qui donne une vision souvent unilatérale.
  • Biais de fausse équivalence (Bothsidesism) : Mettre sur un pied d’égalité deux points de vue qui n’ont pas le même poids factuel ou la même légitimité. Exemple : Donner autant de temps de parole à un climatologue qu’à un climato-sceptique.
  • Utilisation de langage chargé ou connoté : L’emploi de mots qui ne sont pas neutres et qui orientent la perception. Exemple : « manifestants » vs « émeutiers », « plan de sauvegarde de l’emploi » vs « vague de licenciements », « migrant » vs « réfugié ».
  • Biais de simplification excessive : Réduire une situation complexe à une opposition binaire (les bons vs les méchants, la gauche vs la droite), ce qui efface toute nuance. Souvent utilisé par un manque de contextualisation de la situation ce qui fausse le jugement.
  • Biais de narration (Storytelling) : Tenter de faire rentrer des faits dans une structure narrative classique (avec un héros, une victime, un méchant), même si la réalité est plus complexe.

3. Manipulation Délibérée et Techniques de Propagande

Ici, l’intention de tromper ou d’influencer est claire.

  • Mensonge pur et simple : Affirmer des faits qui sont faux.
  • Désinformation : Diffusion intentionnelle d’informations fausses dans le but de nuire ou de manipuler.
  • Mésinformation : Diffusion non intentionnelle d’informations fausses.
  • Appel à l’émotion (Pathos) : Utiliser la peur, la colère, la pitié, le nationalisme pour court-circuiter la pensée rationnelle. C’est le « sur jouer l’émotion ».
  • Homme de paille (Straw Man) : Caricaturer ou déformer l’argument de l’adversaire pour le rendre plus facile à attaquer.
  • Attaque ad hominem : Attaquer la personne plutôt que ses arguments.
  • Généralisation hâtive : Tirer une conclusion générale à partir d’un cas isolé ou d’un échantillon trop faible.
  • Pente glissante (Slippery Slope) : Argumenter qu’une mesure entraînera une cascade de conséquences négatives sans preuve solide.
  • Whataboutism : Technique de déviation consistant à répondre à une critique en accusant l’autre de quelque chose d’équivalent ou de pire (« Et vous alors, qu’en est-il de…? »).
  • Astroturfing : Créer l’illusion d’un soutien populaire spontané alors qu’il est orchestré par une organisation (faux comptes sur les réseaux sociaux, faux commentaires).

4. Biais Structurels et Systémiques

Ces biais ne dépendent pas d’un journaliste en particulier, mais du système médiatique lui-même.

  • Biais de propriété : Les intérêts (économiques, politiques, idéologiques) du propriétaire d’un média peuvent influencer la ligne éditoriale.
  • Biais commercial / économique :
    • Course au clic (Clickbait) : Titres sensationnalistes pour générer des revenus publicitaires.
    • Évitement des sujets « fâcheux » : Ne pas enquêter sur de gros annonceurs publicitaires pour ne pas perdre leurs contrats.
    • Infodivertissement (Infotainment) : Privilégier les sujets légers, spectaculaires ou « people » car ils attirent plus d’audience que les sujets de fond complexes.
  • Biais de la rapidité (ou « Churnalism ») : Dans le cycle de l’info 24/7, les journalistes ont moins de temps pour vérifier, recouper et analyser. Ils se contentent souvent de « recycler » des dépêches d’agences ou des communiqués de presse.
  • Biais du consensus ou pensée de groupe (Pack Journalism) : Tendance des journalistes à couvrir les mêmes histoires, sous les mêmes angles, créant une chambre d’écho et renforçant un récit dominant.
  • Biais culturel ou ethnocentrisme : Analyser les événements mondiaux à travers le prisme de sa propre culture et de ses propres valeurs, les présentant comme universelles.

5. Biais liés au Format et au Médium

Le support lui-même peut induire une distorsion.

  • Biais de l’image : Une photo ou une vidéo forte peut créer une impression émotionnelle puissante qui écrase le contexte textuel. Une image n’est jamais totalement objective (cadrage, moment, sélection).
  • Biais du « son » (Soundbite) : À la télévision ou à la radio, on privilégie les phrases courtes et percutantes au détriment des explications longues et nuancées.
  • Biais du titre : Beaucoup de gens ne lisent que les titres. Un titre réducteur ou sensationnaliste peut donc transmettre une information fausse même si le corps de l’article est nuancé.
  • Biais algorithmique : Sur les réseaux sociaux et les portails d’actualités, les algorithmes nous montrent ce qui est susceptible de nous faire réagir, nous enfermant dans des bulles de filtres (n’être exposé qu’à des opinions similaires) et des chambres d’écho.